Leçon de chose en Haut-Verdon.
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MARAUD
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Leçon de chose en Haut-Verdon.
S’il est un petit coin de paradis hélas trop connu, c’est bien le canyon du Verdon ! L’endroit attire pêle-mêle kayakistes de tous crins, rafteurs submersibles, randonneurs hollandais et touristes en tout genre, au nombre desquels mézigue a pourtant le plaisir de se compter.
Il faut dire que l’endroit a le chic pour faire dans le grandiose : un canyon immense au fond duquel coule une eau transparente teintée d’émeraude, qui donna son nom à la rivière ; une présence humaine qui remonte à quelques milliers d’années, quoique seulement dans les basses gorges, et qu’à l’époque, le climat ait été un tantinet plus frisquet, ce qui explique peut-être que nos lointains ancêtres aient recouvert les grottes de soleils surréalistes ; une beauté des paysages à faire réciter des vers au beau-frère le plus bas du front ; bref, un endroit à vous asséner magistralement une leçon de « on est bien peu de choses ». Et c’est une leçon de ce genre qui me fut administrée, il y a deux ou trois ans, et dont je vais tâcher de vous faire part aujourd’hui.
Parce que ce que je n’ai pas encore dit, c’est que l’endroit est aussi un paradis pour le pêcheur de truites. Certes, les barrages ont une fâcheuse tendance à varier le débit plus souvent que je ne change de chemise, le faisant allègrement varier de 0,5 à 20m3, voire davantage ; il peut arriver aussi de ramener au bout de sa ligne une rafteuse japonaise ne maîtrisant totalement ni le français, ni la nage en eau vive ; mais quelques précautions élémentaires quant au choix dans la date, dans l’horaire, ainsi qu’un judicieux coup de téléphone à l’EDF, peuvent vous permettre une sortie dont vous vous rappellerez…
J’avais la chance de passer une dizaine de jours dans un patelin des environs où j’ai quelques habitudes. J’avais donc pris le pli de m’y rendre à l’aube, et de descendre le canyon par un petit chemin permettant l’accès en 25 minutes à peine. Une paille ! Et, de 5h30 à 11 heures, cela permettait quand même un joli coup de ligne, tout en étant de retour à temps pour l’apéritif et autres obligations sociales... Au lever du jour, pour peu que le vent soit avec vous et que vous n’ayez pas le pied trop lourd, vous aurez sans doute l’occasion d’observer, à quelques mètres à peine, un sanglier ou deux fouissant à la recherche de quelque nourriture…
Ce jour-là, l’affaire commençait bien : dès le premier radier, j’avais sorti quelques truitelles, et les trous un peu plus bas m’ont permis 2-3 poissons de taille plus respectable. Cela faisait donc une petite heure que je pêchais, lorsque je m’apprêtais à passer aux choses un peu plus sérieuses, le soleil ne s’étant pas encore montré au sommet des parois abruptes. À cet endroit, le cours d’eau se resserre brutalement pour se faufiler entre d’énormes blocs rocheux, décrochés il y a sans doute quelques dizaines d’années, permettant ainsi à l’eau de s’engouffrer dans de gigantesques trous qui peuvent frôler la dizaine de mètres par endroits. Autant dire qu’il s’y trouve assurément quelques belles pièces, mais qu’il faut pouvoir aller les chercher !
Je m’aventurai donc dans le dédale rocheux, lorsque je la vis ! Elle était là, à 4 m de moi à peine, qui se prélassait, attendant peut-être les premiers rayons du soleil, 50 cm sous la surface ; il s’agissait d’une truite qui devait bien mesurer ses 50 cm… Sans bouger un orteil, je l’observe un moment : elle reste là, quasiment immobile elle aussi, sécurisée sans doute par les quelques 4 m d’eau sous elle ; de temps à autre, elle happe au passage un insecte qui a la malchance de passer par là… En plus, elle est en appétit, je dois agir !
Très discrètement, je me retire pour élaborer la stratégie. Voyons voir : Le soleil n’est pas encore tout à fait là, bon point pour moi, pas d’ombre traîtresse ; et ce gros rocher devrait me permettre de quasiment la surplomber sans me montrer, la difficulté sera d’en redescendre si je la pique, mais bon, une fois la truite fatiguée, en passant par ici puis par là, ça devrait le faire sans trop d’acrobaties ; par contre, la ligne ? L’eau est totalement transparente, il faut donc que j’y aille fin : 12/100, à dieu vat ! Par contre, elle prend des insectes, pas bon pour moi, cette affaire : je n’ai que des vers et des teignes (à l’époque, je ne connaissais rien d’autres !), le ver irait trop profond, et il n’y a qu’un léger courant à cet endroit, va pour la teigne ! Deux petits plombs, ça devrait suffire…
Bref, je prends bien un quart d’heure, entre les préparatifs divers pour refaire le montage, m’approcher avec une discrétion de Sioux, le tout en tâchant de contrôler mon excitation à son comble… Enfin, j’y suis : très doucement, je descends la ligne quelques mètres en amont ; une fois la hauteur atteinte, je laisse filer à la vitesse du courant, len-te-ment, en soutenant à peine ! Enfin, l’appât arrive à la hauteur de la truite qui est toujours là… et s’y intéresse ! Je surveille la manœuvre, je vois tout depuis mon poste d’observation : souviens-toi, surtout ne pas ferrer trop vite si tu la vois engamer… Mais ma truite, tranquillement, se laisse dériver avec l’appât, qu’elle prend tout le loisir d’examiner… Ces quelques secondes me semblent une éternité… Non mais tu vas mordre, sale bête ?
Deux énorrrrmes mètres durant, elle se laisse dériver ; il faut qu’il se passe quelque chose, un bloc rocheux interrompt la zone de calme, et l’eau disparaît dieu sait où… Et à cet instant, tout bascule : la truite s’arrête, abandonnant le suivi de la teigne ; c’est alors qu’elle se tourne vers moi, et, stupeur ! me fait un clin d’œil en me tirant la langue, avant de paresseusement s’enfoncer dans les profondeurs… Il me semble même, mais je n’en jurerais pas, qu’elle m’a fait un bras d’honneur…
Évidemment, j’ai retenté le coup, plus profond, plus lourd, avec un ver, avec 2 teignes, à l’endroit et à l’envers, mais elle n’est jamais revenue. Pas si bête, la bête ! Quelque chose n’a pas marché, point. J’ai depuis fait mille hypothèses, remettant en question l’appât, la coulée, la discrétion du montage, la dérive… Je pense avoir, sinon la solution, du moins quelques pistes sérieuses quant au pourquoi du comment. Mais une chose est sûre, ainsi que je l’ai vérifié au fond de ce canyon immense, dans cette nature grandiose et millénaire, face à cette vieille et noble truite à qui on ne la fait pas, surtout quand on est le premier couillon pêcheur venu : on est bien peu de choses ! Et merci la truite, de cette petite leçon d’humilité…
Il faut dire que l’endroit a le chic pour faire dans le grandiose : un canyon immense au fond duquel coule une eau transparente teintée d’émeraude, qui donna son nom à la rivière ; une présence humaine qui remonte à quelques milliers d’années, quoique seulement dans les basses gorges, et qu’à l’époque, le climat ait été un tantinet plus frisquet, ce qui explique peut-être que nos lointains ancêtres aient recouvert les grottes de soleils surréalistes ; une beauté des paysages à faire réciter des vers au beau-frère le plus bas du front ; bref, un endroit à vous asséner magistralement une leçon de « on est bien peu de choses ». Et c’est une leçon de ce genre qui me fut administrée, il y a deux ou trois ans, et dont je vais tâcher de vous faire part aujourd’hui.
Parce que ce que je n’ai pas encore dit, c’est que l’endroit est aussi un paradis pour le pêcheur de truites. Certes, les barrages ont une fâcheuse tendance à varier le débit plus souvent que je ne change de chemise, le faisant allègrement varier de 0,5 à 20m3, voire davantage ; il peut arriver aussi de ramener au bout de sa ligne une rafteuse japonaise ne maîtrisant totalement ni le français, ni la nage en eau vive ; mais quelques précautions élémentaires quant au choix dans la date, dans l’horaire, ainsi qu’un judicieux coup de téléphone à l’EDF, peuvent vous permettre une sortie dont vous vous rappellerez…
J’avais la chance de passer une dizaine de jours dans un patelin des environs où j’ai quelques habitudes. J’avais donc pris le pli de m’y rendre à l’aube, et de descendre le canyon par un petit chemin permettant l’accès en 25 minutes à peine. Une paille ! Et, de 5h30 à 11 heures, cela permettait quand même un joli coup de ligne, tout en étant de retour à temps pour l’apéritif et autres obligations sociales... Au lever du jour, pour peu que le vent soit avec vous et que vous n’ayez pas le pied trop lourd, vous aurez sans doute l’occasion d’observer, à quelques mètres à peine, un sanglier ou deux fouissant à la recherche de quelque nourriture…
Ce jour-là, l’affaire commençait bien : dès le premier radier, j’avais sorti quelques truitelles, et les trous un peu plus bas m’ont permis 2-3 poissons de taille plus respectable. Cela faisait donc une petite heure que je pêchais, lorsque je m’apprêtais à passer aux choses un peu plus sérieuses, le soleil ne s’étant pas encore montré au sommet des parois abruptes. À cet endroit, le cours d’eau se resserre brutalement pour se faufiler entre d’énormes blocs rocheux, décrochés il y a sans doute quelques dizaines d’années, permettant ainsi à l’eau de s’engouffrer dans de gigantesques trous qui peuvent frôler la dizaine de mètres par endroits. Autant dire qu’il s’y trouve assurément quelques belles pièces, mais qu’il faut pouvoir aller les chercher !
Je m’aventurai donc dans le dédale rocheux, lorsque je la vis ! Elle était là, à 4 m de moi à peine, qui se prélassait, attendant peut-être les premiers rayons du soleil, 50 cm sous la surface ; il s’agissait d’une truite qui devait bien mesurer ses 50 cm… Sans bouger un orteil, je l’observe un moment : elle reste là, quasiment immobile elle aussi, sécurisée sans doute par les quelques 4 m d’eau sous elle ; de temps à autre, elle happe au passage un insecte qui a la malchance de passer par là… En plus, elle est en appétit, je dois agir !
Très discrètement, je me retire pour élaborer la stratégie. Voyons voir : Le soleil n’est pas encore tout à fait là, bon point pour moi, pas d’ombre traîtresse ; et ce gros rocher devrait me permettre de quasiment la surplomber sans me montrer, la difficulté sera d’en redescendre si je la pique, mais bon, une fois la truite fatiguée, en passant par ici puis par là, ça devrait le faire sans trop d’acrobaties ; par contre, la ligne ? L’eau est totalement transparente, il faut donc que j’y aille fin : 12/100, à dieu vat ! Par contre, elle prend des insectes, pas bon pour moi, cette affaire : je n’ai que des vers et des teignes (à l’époque, je ne connaissais rien d’autres !), le ver irait trop profond, et il n’y a qu’un léger courant à cet endroit, va pour la teigne ! Deux petits plombs, ça devrait suffire…
Bref, je prends bien un quart d’heure, entre les préparatifs divers pour refaire le montage, m’approcher avec une discrétion de Sioux, le tout en tâchant de contrôler mon excitation à son comble… Enfin, j’y suis : très doucement, je descends la ligne quelques mètres en amont ; une fois la hauteur atteinte, je laisse filer à la vitesse du courant, len-te-ment, en soutenant à peine ! Enfin, l’appât arrive à la hauteur de la truite qui est toujours là… et s’y intéresse ! Je surveille la manœuvre, je vois tout depuis mon poste d’observation : souviens-toi, surtout ne pas ferrer trop vite si tu la vois engamer… Mais ma truite, tranquillement, se laisse dériver avec l’appât, qu’elle prend tout le loisir d’examiner… Ces quelques secondes me semblent une éternité… Non mais tu vas mordre, sale bête ?
Deux énorrrrmes mètres durant, elle se laisse dériver ; il faut qu’il se passe quelque chose, un bloc rocheux interrompt la zone de calme, et l’eau disparaît dieu sait où… Et à cet instant, tout bascule : la truite s’arrête, abandonnant le suivi de la teigne ; c’est alors qu’elle se tourne vers moi, et, stupeur ! me fait un clin d’œil en me tirant la langue, avant de paresseusement s’enfoncer dans les profondeurs… Il me semble même, mais je n’en jurerais pas, qu’elle m’a fait un bras d’honneur…
Évidemment, j’ai retenté le coup, plus profond, plus lourd, avec un ver, avec 2 teignes, à l’endroit et à l’envers, mais elle n’est jamais revenue. Pas si bête, la bête ! Quelque chose n’a pas marché, point. J’ai depuis fait mille hypothèses, remettant en question l’appât, la coulée, la discrétion du montage, la dérive… Je pense avoir, sinon la solution, du moins quelques pistes sérieuses quant au pourquoi du comment. Mais une chose est sûre, ainsi que je l’ai vérifié au fond de ce canyon immense, dans cette nature grandiose et millénaire, face à cette vieille et noble truite à qui on ne la fait pas, surtout quand on est le premier couillon pêcheur venu : on est bien peu de choses ! Et merci la truite, de cette petite leçon d’humilité…
jojo69- Date d'inscription : 13/03/2009
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
Superbe texte !! Merci jojo.
A la pêche de la truite, il faut toujours se remettre en question
Les grosses sont bien éduquées là-bas
Par contre, elles sont mal élevées !!!!! non mais !!!! un bras d'honneur !!
A la pêche de la truite, il faut toujours se remettre en question
Les grosses sont bien éduquées là-bas
Par contre, elles sont mal élevées !!!!! non mais !!!! un bras d'honneur !!
alma31- Date d'inscription : 20/03/2009
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
Et à toi pour ce beau texte !Et merci la truite, de cette petite leçon d’humilité…
Invité- Invité
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
et encore tu as eu du pot en ariège elle t'aurai fait "un doigt"
tout en étant nettement moins grosse
tout en étant nettement moins grosse
joel5- Date d'inscription : 07/11/2006
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
alma31 a écrit:Les grosses sont bien éduquées là-bas
Par contre, elles sont mal élevées !!!!! non mais !!!! un bras d'honneur !!
Oui, la japonaise est beaucoup moins difficile et beaucoup plus polie, mais c'est plus dur de la remettre à l'eau...
jojo69- Date d'inscription : 13/03/2009
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
IL bas de soie et tout naturellement que ce texte paraitra dans TER3...
Les autres, sortez vousle bras le doigt pour l'appuyer contre les touches du clavier !
52 textes ! Le cap du 51 est passé, prochain cap, le 69 !
Et n'oubliez pas que la seule différence entre le 51 et le 69, c'est qu'avec le 51 vous avez le nez dans l'anis...
Les autres, sortez vous
52 textes ! Le cap du 51 est passé, prochain cap, le 69 !
Et n'oubliez pas que la seule différence entre le 51 et le 69, c'est qu'avec le 51 vous avez le nez dans l'anis...
Invité- Invité
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
ben moi j'ai pas lu le texte ........... je ne veux pas les connaitre a l'avance ......
Invité- Invité
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
ben moi je ne le lirais pas , comme ça j'aurai la surprise dans TER3.
fait en d'autre faignasse , toi qui a la plume facile et juste , régale nous marde
fait en d'autre faignasse , toi qui a la plume facile et juste , régale nous marde
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
JOS a écrit:ben moi j'ai pas lu le texte ........... je ne veux pas les connaitre a l'avance ......
Tu seras pas le seul
amerigo- L'americano breton / PING
- Date d'inscription : 19/11/2006
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
Superbe Jojo, tout y est, le texte fait bien ressentir toutes les sensations du pêcheur
j'adoooooooooore
j'adoooooooooore
papi claude- Date d'inscription : 04/08/2008
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
Décidément il me plait bien ce jeune...
J'espère que ce texte sera inclu dans le prochain TER3
J'espère que ce texte sera inclu dans le prochain TER3
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
met tes lunettes papé c'est écrit plus haut
joel5- Date d'inscription : 07/11/2006
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
Magnifique !
Expérience que chaque pêcheur a sûrement déjà vécu !
Merci !
Expérience que chaque pêcheur a sûrement déjà vécu !
Merci !
Yohan- Monsieur le professeur, pêcheur débroussailleur
- Date d'inscription : 14/10/2006
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
Je reprends le mot de Yohan : ma-gni-fique !!! Avec ce récit Jeff, l'un des maîtres à penser du Forum, a du souci à se faire
Invité- Invité
Re: Leçon de chose en Haut-Verdon.
C'est de la poésie haut de gamme. Bravo Jojo
doume- arroseur de nenuphars
- Date d'inscription : 23/04/2007
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